L’association Systema Lyon organisait un stage de Systéma santé sous la férule du bô gosse instructeur certifié Stéphane Vartanian
, les 18 et 19 janvier 2014. L’aspect martial du Systéma est bien connu aujourd’hui. Des documentaires, des articles sur internet et sur papier, des forums, etc ont permis de rendre accessible au grand public le Systéma comme un art de combat. Même si l’idée d’un Systéma santé peut surprendre, elle est bien présente dans le Systéma et remonte aussi loin sans doute que le Systéma martial. Vladimir Vasiliev, dans le Russian System Guidebook (1996) tente de faire une synthèse entre le système de combat russe et le système russe de santé. Ce dernier est articulé autour de 5 principes : la respiration, le mouvement correct, l’interaction avec la nature, le jeûn et s’arroser d’eau froide. La synthèse entre ces deux approches de l’humain permet selon lui d’obtenir un humain équilibré sur les plans physique, psychologique et spirituel. Paul Genge, dans The Russian Systema Health System (2013), en ajoute deux autres : les massages et les exercices pour la santé et le bien-être. On peut s’interroger sur la légitimité de cet ajout et se demander s’il ne confond pas les principes et le contenu de l’entraînement. Mais dans les deux cas, la justification offerte du Systéma Santé est la même : une personne en bonne santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle est bien plus efficace et bonne pour elle-même, sa famille et ses proches et son pays, qu’une personne qui souffre d’un déséquilibre dans l’une des catégories précédemment mentionnées.
Stéphane Vartanian |
Nous n’avons pas étudié tous les principes: ni jeûn, ni interaction avec la nature, ni arrosage par eau glacée ! Mais Stéphane nous a fait explorer les principes restant avec des exercices inédits ou déjà vus en cours. Une quarantaine de personnes (hommes, femmes, jeunes et moins jeunes)
est venue faire l’expérience du Systéma santé durant ce week-end très intense en expériences, explorations, et apprentissages, dans une ambiance chaleureuse et amicale.
Il n’est pas question ici de faire la liste des exercices faits pendant ce week-end. Ce serait en effet trop ennuyeux à lire et à rédiger… Une autre manière de faire consisterait à s’appuyer sur l’un des enseignements majeurs de ce stage (et des cours par ailleurs…) : les exercices sont des outils mis à la disposition d’une intention d’entraînement. Les éducatifs, par exemple, ne valent "rien” par eux-mêmes. Ce qui les rend utiles et efficaces, c’est le but et le cadre méthodologique donnés à ces exercices. C’est pourquoi avant de savoir ce qu’on a fait, il faut d’abord être au clair sur pourquoi on fait ce qu’on fait. Les principes, eux, nous apportent des solutions pour savoir comment atteindre notre but et guider la méthodologie : comment on fait ? Par la respiration, par exemple. Si l’on poursuit dans cette voie, il me semble que Stéphane nous a proposé les axes d’entraînement suivants : structure, récupération, attention. Chaque axe ou intention introduit des variations dans la fréquence, la vitesse, la forme... bref les variables des exercices, mais permet en même temps de les organiser en fonction d’un but précis.
Massage collectif ! |
Le premier axe de travail fut incontestablement la structure. C’est tout d’abord par le biais de l’étirement qu’on a pu étudier et explorer notre structure, samedi et dimanche matins. Après des exercices d’introspection, Stéphane nous a proposés plusieurs exercices d’étirement “naturels”. Les étirements naturels s’opposent aux étirements imposés au corps par extension volontaire de chaînes musculaires dans des postures prédéfinis.
Là, il s’agissait plutôt de jouer avec la force de la gravitation, la respiration, les tensions-détentes. On a pu l’explorer de différentes façons avec les principes vus précédemment (respiration, des mouvements corrects, des massages et des exercices pour la santé) : en position statique, en mouvement, au sol, débout, seul, avec partenaire, en massage, etc. Si on ajoute à cela, les exercices de renforcement des tendons et de tensions sélectives, et les étirements sur les apnées, on a accompli un bon travail sur l’alignement du corps. Le but était de nous permettre d’atteindre une structure plus naturelle, c’est-à-dire propre à notre configuration physique personnelle.
Faire les bô gosses ! |
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La récupération fut le deuxième axe de travail. Le samedi après-midi fut consacré à ce thème. Stéphane a utilisé deux manières d’aborder le sujet : des exercices très stimulants pour le système cardiovasculaire (qui stimulent la force explosive), et des exercices (les éducatifs) qui imposent un stress sur une zone particulière du corps. Pour la première manière, des exercices de déplacement rapides et explosifs, avec des bonds, et une pause trop courte entre chaque série, permettait à chacun de faire l’expérience de ses limites de stress dans la force explosive. On a alors exploré des manières de récupérer pour, d’une part, éliminer les effets nuisibles de ce genre d’effort, et d’autre part, se rétablir. Pour la seconde manière, Stéphane a proposé une variation sur les éducatifs tels qu’ils sont utilisés dans Breath For Internal Control (Vasiliev).
J’avais fait part quelques semaines plus tôt à Stéphane de mon étonnement face à ce documentaire qui se présente fondamentalement comme une exploration des manières de récupérer face à des stress provoqués et contrôlés dans le corps par les éducatifs, mais qui en réalité passe plus de temps à présenter la réalisation des éducatifs elle-même que la récupération qui est en pourtant le thème ! C’était bien sûr une invitation à quitter son écran pour vivre le Systéma ! Eh bien, Stéphane nous a guidé dans les mystères et les bienfaits des exercices de récupération en montrant ce que Vladimir Vasiliev pratique dans les séminaires et les cours quand il veut cibler ce type de travail. En prenant pour principes la respiration et les mouvements corrects, nous avons abordé certaines pratiques pour récupérer : conscience des tensions par introspection, sensation et contrôle du pouls, extension dans le temps et dans l’espace du corps de la sensation du pouls grâce à la respiration. Il y avait deux pans à cet axe de travail : un pan “négatif” qui consiste à prendre conscience des tensions, à les traiter ou les gérer, et à éviter qu’elles ne s’accumulent, et un pan “positif” dont l’objectif est d’améliorer les conditions de la récupération.
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Il va de soi que ces axes d’entraînements ne sont suivis d’aucuns résultats s’il n’y a aucun suivi dans le temps. Un week-end ne suffit pas pour résoudre tous les problèmes. Il ne suffit pas de planter des graines pour avoir un beau jardin. Ces deux axes sont transversaux dans l’entraînement qu’on reçoit toutes les semaines avec Stéphane. Et le troisième axe qu’il nous a proposé, l’attention, ne fait pas exception. C’est principalement dimanche après-midi qu’on s’est consacré à ce thème. L’attention peut être parasitée par deux choses : l’ego et la concentration. L’ego recouvre beaucoup de choses : de l’orgueil à la volonté de bien faire. Mais au final, c’est toujours la même chose, à savoir un écran entre soi et soi-même.
L’attention est au contraire l’expérience directe ou quasi directe de soi-même. La concentration, à la différence de l’attention, est une tension de l’esprit tournée vers un objet, soi-même ou quelque chose qui se trouve dans le monde. Cette tension fatigue l’esprit, déséquilibre les facultés psychologiques et nerveuses et est extrêmement sélective. L’attention est plus globale et se fait sans effort. Contrairement à la concentration où l’esprit et la volonté vont chercher des informations sur quelque chose, l’attention laisse ces informations remonter. Elle n’est pas attente ou projection de soi, mais écoute. Les exercices pratiquées pour étendre l’attention visent au final d’une part à briser les écrans qui nous séparent de nous-mêmes et d’autre part à la renforcer, à la rendre plus “naturelle” et “spontanée”. La respiration, les massages et les exercices de tension-détente avec partenaire(s) ont été les principes utilisés. C’est par les exercices de marche sur un rythme de respiration dit “Spetsnaz” et des exercices de torsions et de massage avec partenaire qu’on a pu explorer le travail de l’attention.
Structure, récupération, attention. Telles ont été, il m’a semblé, les grandes lignes d’entraînement de ce week-end. Cela n’exclut évidemment pas d’autres objectifs traités ponctuellement. L’unité du week-end repose sans aucun doute dans l’approche de Stéphane : être un traqueur de tension. Qu’est-ce à dire ? Plusieurs tâches incombent à un traqueur : 1) respirer, 2) prendre conscience de soi, 3) prendre conscience des zones tendues, 4) accepter que ces tensions existent, 5) explorer les caractéristiques de ces tensions (intensité, étendue, etc), et surtout 6) ne pas les gommer. À partir de là seulement, le véritable entraînement commence et consiste d’une part à les gérer et à semer les graines d’un mouvement sans tension. Si on n’ose pas apporter la lumière dans les zones sombres et meurtries du corps, aucune progression saine et durable n’est possible. Mais pour cela il faut avoir l’humilité de ne pas se voiler la face. Elle seule permet de travailler à notre niveau réel et en fonction de nos vrais besoins.
Un travail sur le système nerveux, qui rend fou |
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Structure, récupération, attention. Telles ont été, il m’a semblé, les grandes lignes d’entraînement de ce week-end. Cela n’exclut évidemment pas d’autres objectifs traités ponctuellement. L’unité du week-end repose sans aucun doute dans l’approche de Stéphane : être un traqueur de tension. Qu’est-ce à dire ? Plusieurs tâches incombent à un traqueur : 1) respirer, 2) prendre conscience de soi, 3) prendre conscience des zones tendues, 4) accepter que ces tensions existent, 5) explorer les caractéristiques de ces tensions (intensité, étendue, etc), et surtout 6) ne pas les gommer. À partir de là seulement, le véritable entraînement commence et consiste d’une part à les gérer et à semer les graines d’un mouvement sans tension. Si on n’ose pas apporter la lumière dans les zones sombres et meurtries du corps, aucune progression saine et durable n’est possible. Mais pour cela il faut avoir l’humilité de ne pas se voiler la face. Elle seule permet de travailler à notre niveau réel et en fonction de nos vrais besoins.
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Photographies @Mikolka
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