Thursday 22 March 2012

Jérôme Kadian à Systema-Lyon ou comment les Lyonnais ont appris à faire des pompes saoudiennes

Les samedi 10 et dimanche 11 mars 2012, l'association Systema-Lyon a accueilli pour un stage Jérôme Kadian, fondateur et instructeur à Systema-France (Paris), dont l'enseignement est fondé sur les méthodes de Vladimir Vasiliev et Mikhaïl Ryabko. J'ai eu la chance d'y participer. Grâce à Étienne B. (merci Étienne !), qui m'autorise à utiliser les photos qu'il a prises pendant le stage, je peux utiliser l'image comme support pour vous présenter ce qui a eu lieu pendant le stage et vous faire part de mes impressions. Plutôt que de faire un déroulé chronologique du stage, j'ai opté pour une présentation plus pédagogique, qui met en exergue des aspects spécifiques au Systema.

A) Les 4 principes fondamentaux du Systema

Respirer
La respiration est adaptée à la situation et contrôlée, même en cas de stress. Surtout lorsque Jérôme K. (à gauche, avec un maillot à manches longues grises) vous frappe dans les côtes...  Avec le sourire s'il vous plaît. En évitant l'apnée, on évite la rigidité du corps et de l'esprit, l'intrusion de la panique, l'épuisement (les produits du métabolisme du stress sont évacués plus rapidement). Et il n'y a pas que dans le combat que ça marche.



Bouger
Un mouvement continu de l'esprit et du corps. Pourquoi? Pour éviter l'agression, éviter d'être submergé, pour maximiser le chaos quand la situation est désespérée, obliger l'agresseur à se mettre sur la défensive,  ajouter de la confusion dans une condition avec multiples agresseurs. Bien que Stéphane (t-shirt gris à manches courtes) possède le bâton, un instrument qui pourrait lui donner un avantage, la mobilité de Jérôme l'oblige à redoubler d'attention.


Structurer
Avoir une bonne structure, c'est conserver l'alignement du corps dans sa structure et dans chacune des parties de la structure. Cela permet à la fois d'obtenir une efficacité maximale dans les mouvements et de ne pas "faire bloc", c'est-à-dire de pouvoir utiliser des membres ou des parties du corps de manière indépendante. Ici, la personne au sol peut échapper à la pression exercée par le bâton sur son corps en l'alignant et mobilisant la partie nécessaire de son buste pour sortir (bravo Seb!).


Détendre
Apprendre à distinguer la partie psychologique et la partie mécanique, l'agressivité et la force, du combat et d'une situation d'agression est un principe fondamental du Systema. Contrairement à d'autres styles de self défense, le Systema ne développe pas l'agressivité pour augmenter les chances de s'en sortir. Pour beaucoup, c'est une vraie découverte de remarquer qu'on peut frapper sans être complètement contracté physiquement et psychologiquement. La détente dans le combat a de multiples avantages: les réactions mentales et psychologiques sont plus rapides, l'énergie de la frappe donnée se transmet mieux, l'énergie de la frappe reçue se diffuse au lieu de rester dans le corps, l'épuisement vient moins rapidement, et les chutes ont moins de chance de provoquer des blessures. Bref, c'est plus économique et efficace. Ici, Jérôme vient de mettre un joli ch'ton à Seb de manière détendue. Il n'y a pas d'agressivité qui s'exprime de sa part, il est bien relâché tout en conservant une bonne structure, en respirant et en continuant à bouger. Notez bien que Seb fait la même chose de son côté: il relâche la partie frappée, respire, bouge dans le sens de l'impact, sans résister -ce qui implique une chute- pour se restructurer ensuite.



B) Les situations de base:
Le Systema est plus un style de self-défense qu'un art martial, même si sa philosophie, ses principes, son aspect thérapeutique peuvent le rapprocher des arts martiaux. Au niveau du combat, l'idée est de se confronter à des situations où l'on est vulnérable pour voir comment on peut s'en sortir, en appliquant les principes vus plus haut. Pendant le stage, on a pu voir plusieurs situations de vulnérabilité.

Le sol
Bon, il y a du couteau et de la défense au sol, mais c'est la seule photo avec moi…  La pression étant exercée en haut du corps, j'ai choisi de mobiliser le bas du corps, pour me réaligner ensuite et m'éloigner rapidement de ces chaussettes roses à petits coeurs. Peut-être pas le meilleur comportement que j'ai eu pendant ce stage...
En systema, le travail au sol est souvent la première étape d'un travail plus complexe. Pédagogiquement, souvent, la routine consiste à partir d'une situation statique simple avec une réaction à suivre très intuitive et évidente, puis à rajouter des éléments pour se rapprocher petit à petit de la complexité d'une situation réelle. Par exemple, avec un couteau: (i) une personne allongée statique, une autre agenouillée qui pique la première dans un mouvement lent et qui attend qu'elle puisse s'en sortir; (ii) debout, identique; (iii) identique à (ii), sauf que la personne qui se défend peut se défendre avec les épaules; (iv) identique à (iii) sauf que la personne qui se défend peut utiliser tout la partie extérieure du corps; (v) identique à (iv) sauf que la personne qui se défend peut se mouvoir; (vi) identique à (v) sauf que les deux peuvent se mouvoir; (vii) identique à (vi) sauf que la personne qui se défend peut frapper… jusqu'à la situation du combat libre.
Apprivoiser le sol n'est pas évident, car on a l'impression que la personne debout, par un effet de perspective, est supérieure à nous, mais cette perspective peut être corrigée très rapidement…

Le couteau
Il n'y a pas de recettes magiques pour le couteau et le systema ne prétend pas vous permettre de sortir d'une agression avec un couteau sans aucune égratignure. Au mieux, on essaie d'apprendre à ne pas finir en chiche kebab. Jérôme en raffole, mais il n'a pas manifestement pas envie de finir embroché. Et pour cela: respirer (il inspire), bouger (il pivote), détendre (il relâche ses membres et son buste), structurer (il reste aligné et utilise son buste sans mobiliser inutilement tout le reste). Dans cet exercice qui consiste seulement à absorber, sans riposter, Jérôme pivote autour de son axe pour éviter le tranchant, éviter d'offrir une trop grande surface vulnérable, et préparer une riposte. Résister et contracter tous les abdos, pour arrêter une lame, c'est finir avec une percée bien profonde dans les organes. Même dans cette situation, Jérôme serait peut-être déjà coupé, mais l'entaille resterait superficielle.
Remarquez que résister et contracter ces abdos pour se défendre face à coup de poing ou de pieds n'est pas une bonne stratégie non plus dans la condition où l'on se fait frapper avec les poings ou les pieds

Les agresseurs multiples
… sont en train de se faire corriger par Jérôme. Je n'aimerais pas être à la place de Manu qui se fait tirer une oreille. Bon, cette photo ne montre pas l'intérêt de la mobilité, de la respiration dans la situation des agresseurs multiples, mais elle me plaît beaucoup, et on voit bien l'alignement de Jérôme et sa détente. En penchant un peu son genou et détendant son cou, il peut faire tomber Stéphane sur Manu et se débarrasser des deux.




Le bâton
Ah! le bâton sert à tout en systema:

-casser des branches:












-balayer les jouets cassés:













-tuer les serpents, surtout ceux de l'espèce emmanuelum rampum:













-poser des tuteurs pour les rosiers:


Oui, le bâton sert vraiment à tout en systema.










C) Entraînements typiques du Systema pour le renforcement et la santé du corps et de l'esprit

Le massage
Ne vous emballez pas, le massage russe n'est pas un massage californien. C'est un véritable renforcement du corps pour celui qui se fait masser et celui qui masse. Il y a plusieurs variantes autour du massage. Dans la variante qu'on peut voir sur la photo, le masseur est en position pompe style systema (notez les poings fermés, l'alignement des poignets sur les avants-bras), et fait le tour du massé, en mettant tout son poids sur les parties charnues du massé. L'idée est de se déplacer en relâchant les contractions inutiles et en continuant à respirer. Les pompes ne sont pas en systema juste une manière de faire gonfler ses épaules, mais une manière d'explorer et de renforcer le corps entier. Le massé est au sol, et ce n'est pas du yoga. Il doit visualiser les parties corporelles sollicitées par la pression et relâcher les zones concernées, tout en respirant en fonction des émotions et des sensations qu'il éprouve.

Un autre type de massage:

Massage pour le bassin. Descente de 5cm du bassin assurée après le relâchement. Et exercice d'équilibre et de dextérité pour le masseur.














Les pompes
Les pompes font parties des quatre éducatifs ou exercices de base du systema (levée de buste, levée du bas du corps, squat et pompes). Chaque éducatif offre une quantité indéfinie de variantes. Elles sont pratiquées à des rythmes variants par exemple de 3s-20s pour descendre, et idem pour remonter. Ici, les deux partenaires travaillent. Celui qui est au sol travaille l'alignement des bras et la localisation de la contraction musculo-squelettale (pas de tension dans les jambes par exemple, mais juste ce qu'il faut dans les bras et les épaules). Celui qui fait la pompe travaille l'équilibre évidemment, le positionnement des poings (comme celui qui est au sol d'ailleurs), et le contrôle de la tension. Comme indiqué plus haut, les pompes en systema ne sont pas seulement des exercices pour les épaules et les bras, mais une préparation complète à la frappe (et même au combat, selon Vasiliev). Il ne s'agit pas seulement de se mouvoir de haut en bas, mais d'utiliser les points d'appui pour faire bosser l'ensemble, la force utilisée traversant les bras pour aller jusqu'aux pieds, la sensibilité des poings sur le sol comme satellite pour les tensions du corps (si une sensation disparaît, c'est qu'une contraction inutile est apparue). Toujours selon Vasiliev, si les pompes sont pratiquées correctement -c'est-à-dire en conservant une certaine relaxation du corps et en mobilisant seulement les muscles et les tendons nécessaires-, elles servent d'entraînement pour les coups de poings, car elles permettent d'apprendre à frapper sans tensions inutiles, apportant un bénéfice dans la précision, l'efficacité, le contrôle de la fatigue.


D) Quelques aspects et moments significatifs du stage

Il n'y a malheureusement pas de photographies immortalisant les moments où Jérôme K. a introduit les Lyonnais aux pompes saoudiennes. Ces appellations et entraînements typiques resteront donc dans l'ombre et conserveront le mystère qui les entoure. Seuls les initiés comprendront.

Nous avons eu cependant une grande envolée sur les risques des blessures au couteau. Attention, un couteau, ça pique:







En fait, la tirade de Jérôme K. était une comparaison entre les parties corporelles à utiliser pour se défendre dans une situation d'agression avec couteau. Comme on le voit bien sur les photos suivantes, il suggère d'utiliser la partie extérieure du corps, car la partie intérieure est très vulnérable: une entaille dans les tendons et le système vasculaire dans les parties du corps tournées vers le corps a des risques plus élevés qu'une coupure sur la partie extérieure. Comme l'a dit Jérôme, en situation de stress/panique, 30-20s de conscience avec coupure sur les veines du poignet, 20s de conscience avec coupure dans les veines du coude, 15-10s de conscience avec coupure dans le creux de l'aisselle, 5s avec coupure sur la carotide. Je ne sais pas si ces informations sont exactes, mais intuitivement, ça fait sens.

Il utilise le côté extérieur du poignet pour dévier l'avant-bras de son "adversaire".













Au final, un stage très complet et particulièrement stimulant ! Ce stage a fédéré une soixantaine de personnes en tout, un joli succès pour l'association Systema-Lyon, qui a su accueillir chacun des participants, dans de bonnes conditions et dans une excellente ambiance ! Je tiens aussi à tirer mon chapeau aux femmes qui sont venues, qui ont apporté leur bonne humeur et leur force d'âme à ce stage.










Pour plus d'informations:
http://www.systemalyon.fr/
http://www.systemafrance.com/






Thursday 1 March 2012

From monkey to lunar monkey


Un billet pour mes amis francophones qui veulent comprendre pourquoi je suis passé des Vibram KSO aux Luna Sandals pour courir. Autrement dit, pour les gens qui courent avec moi et qui se disent: Mais qu'est-ce qu'il a ce type à courir en tongs ?

J'ai couru avec des chaussures modernes (principalement des Asics, avec une petite aventure chez Mizuno) jusqu'en 2010. À l'automne 2010, j'ai introduit le barefoot running (course pieds nus). J'ai augmenté petit à petit la distance à mesure que mes pieds et mon corps s'habituaient à la sensation et à l'effort. Au printemps 2011, je me suis procuré une paire de Vibram. À partir de ce moment-là, j'ai transitionné pour passer petit-à-petit de la chaussure moderne aux Vibram, en alternant barefoot running, chaussures modernes et Vibram.

Après avoir parcouru environ 1500km dans ma paire de KSO, malgré tous les plaisirs et les avantages obtenus, j'ai voulu trouver autre chose. Pourquoi? Il y a trois défauts dans les Vibram:
1) Bien que le tissu soit assez respirant, la régulation thermique n'est pas optimale. Le pied surchauffe dans certaines conditions.
2) L'attache entre la semelle et le tissu au niveau du pouce est trop fragile et ne résiste pas à la friction. De mon point de vue, cette attache devrait se faire quelques millimètres plus haut, car actuellement, elle est dans la zone de pression du pouce sur le sol au moment de la relance/poussée.
3) En cas de pluie, le tissu n'est absolument pas protecteur et on en vient rapidement à penser qu'on n'en a pas vraiment besoin.

Ma recherche consistait alors à trouver une paire de chaussures qui possède les avantages des Vibram et qui puisse résoudre les trois autres problèmes. Quels sont les avantages des Vibram par rapport aux chaussures modernes?
1) Elles sont moins chères.
2) Elles sont entièrement recyclables
3) Elles sont ultra-légères
4) Elles sont souples.
5) Elles n'ont pas de compensation au niveau du talon, ce qui oblige à prendre une bonne posture (type Pose Running, voir cette vidéo avec Lee Saxby).
6) Elles préservent la biomécanique de la course (notamment l'écartement des doigts de pieds dans la réception et dans la poussée)
7) Elles n'entraînent pas l'atrophie de certains muscles et ligaments des pieds et des jambes.
8) Elles n'ont pas de zone parasite entre le pied et le sol, qui empêche de sentir le sol et qui ne permet pas aux pieds de prendre une forme adaptée à son environnement.
9) Elles sont agréables à porter.
10) Elles sont résistantes et polyvalentes.

Comme beaucoup de minimalistes, j'ai lu Born to Run. L'option restante, après les Vibram (Barefoot Ted, l'un des premiers à avoir testé les Vibram pour la course à pieds) et les chaussures modernes (tout le reste de la bande des coureurs), c'était celle des sandales (les Raramuri). Barefoot Ted ayant créé une entreprise de fabrication de sandales sur le modèle de celles portées par les Raramuri (d'après les conseils de l'un de leurs meilleurs coureurs, Manuel Luna), je me suis naturellement tourné vers les produits Luna Sandals. Les sandales remplissent les 10 conditions des Vibram, les deux premières conditions et en partie la troisième. En partie seulement parce qu'une bonne partie des produits Luna Sandals sont faits en pur cuir, et résistent difficilement à une exposition répétée à la pluie et à des conditions extrêmes. Luna Sandals propose des modèles faits pour le trail, résistants à ces conditions, mais dans la même matière que les semelles Vibram (qui leur fournit leurs semelles). Pour ma part, j'ai donc opté pour l'un de ces modèles, fait pour le trail, résistant à l'eau et à des conditions un peu extrêmes.

Qu'en pensé-je? Très franchement, je suis très satisfait. J'ai même trouvé des avantages sur le plan de la course par rapport aux Vibram:
1) On peut les retirer facilement. Une surface qui vous fait envie? Un caillou coincé sous le pied ? Pas de problème, on enlève ses sandales et c'est parti! C'est un peu plus laborieux avec les Vibram (surtout si on a transpiré dedans, ce qui a provoqué le refroidissement de la chaussure et entraîne un peu plus difficulté à les mettre car elle glisse moins bien).
2) Ces sandales se lavent très facilement et ne présentent pas le problème de l'odeur des Vibram.
3) Elles entretiennent ma nature biophilique. J'aime le contact direct avec le vivant. Revenir d'une sortie avec des pieds pleins de terre, avec de bonnes bactéries, ça me fait plaisir.
4) Elles encouragent encore plus que les Vibram à considérer les chaussures comme un outil et non plus comme une personne. Les coureurs en chaussures modernes semblent avoir oublié que les chaussures sont sensés protéger leurs pieds et non l'inverse. Ils prennent trop soin de leurs chaussures, plus qu'il n'en faudrait.

Le seul point négatif n'est pas vraiment rédhibitoire, mais seulement un peu technique: le laçage ou le réglage du lacet selon les modèles. Ce n'est pas qu'apprendre à lacer soit difficile, c'est l'ajustement aux pieds qui sont les vôtres, rien que les vôtres et qui n'ont qu'eux comme critères pour ce qui leur va et ce qui ne leur va pas, l'ajustement donc qui demande quelques coups d'essai.