Friday, 10 February 2012

Moi je m'appelle Ciboulette

J'ai assisté à une représentation de Ciboulette dernièrement, une opérette en trois actes de Reynaldo Hahn, sur un livret de Robert de Flers et Francis de Croisset, créée le 7 avril 1923 au théâtre des Variétés (Paris, France).

Je ne ferai pas de critique musicale et dramatique, puisque pour des raisons indépendantes de ma volonté, j'ai dû quitter la salle avant la fin de la représentation.

L'ouvrage ne brille pas trop du côté de l'innovation. En 1867, Ciboulette, une jeune maraîchère des Halles de Paris, cherche désespérément l'amour. Une poissonnière, diseuse de bonne aventure à ses heures, lui dit qu'elle trouvera l'amour si elle peut remplir ces trois conditions: qu'elle découvre son futur époux sous un chou, qu'une femme devienne toute blanche en une seconde devant elle, et qu'elle reçoive un faire-part dans un tambour basque. Emportés dans cette aventure à mi-chemin entre une succession d'épreuves initiatiques et une destinée qui s'accomplit dans l'amour, nous suivons l'histoire de Ciboulette et de celui qu'elle finira par épouser, Antonin de Mourmelon. L'amoureux, idiot comme il se doit, est d'abord tourné au ridicule par une cocotte, Zénobie, qui lui préfère un capitaine de régiment, le capitaine Roger; puis Antonin est pris en main par un mentor, Duparquet, qui essaie de gérer comme il le peut la bêtise de son disciple, afin d'unir ces jeunes tourtereaux.

Je m'attarde un peu sur Duparquet, c'est la figure de l'amour dans la pièce. Il voit les couples se faire et se défaire. Il fait et défait des couples. Il chante et vante l'amour joyeux, bête et heureux. Il donne toujours raison aux jeunes parce qu'ils sont jeunes. Pourquoi? Parce que, comme il le dit lui-même, il fut un "amant célèbre". Lequel ? Ni plus ni moins que Rodolfo. Le Rodolfo de la Bohème de Puccini. Celui qui chante Che gelida manina. Celui qui participe au duo O suave fanciulla, etc. Voilà comment terminent les amants célèbres de l'opéra quand leur amante vont manger les pissenlits par les racines. Ils vont se refaire une santé à l'opérette.

Cette manière de jouer ouvertement avec l'amour traité dans le registre sérieux et les références du public, c'est peut-être ce qui fait la patte de Reynaldo Hahn dans Ciboulette. On le voit encore dans sa référence ouverte au fameux duo de Manon et Des Grieux (Manon, écrit par Massenet, l'un des professeurs et amis de Reynaldo Hahn):

DES GRIEUX
Toi ! Vous !

MANON
Oui, c'est moi, moi !

DES GRIEUX
Que viens-tu faire ici ?
Va-t-en! Va-t-en! Eloigne-toi !

MANON
Oui ! Je fus cruelle et coupable !
Mais rappelez-vous
tant d'amour ! Ah ! dans
ce regard qui m'accable,
lirai-je mon pardon, un jour?

DES GRIEUX
Eloigne-toi !

Au cours du 1er acte de Ciboulette, Zénobie réagit à l'interpellation du Capitaine Roger par la première réplique de Manon ("Oui, c'est moi…") à la note près.

Un détail peut-être. Reynaldo Hahn semble apprécier les amants célèbres. Pourquoi choisir 1867 comme date de contexte? Ce n'est sans doute pas à cause des nouvelles lois sur les Sociétés Anonymes publiées cette année, ou à cause de la loi Duruy. Certainement pas. En revanche, 1867, c'est l'année de création de Roméo et Juliette de Gounod au Théâtre Lyrique de Paris. Avec non pas une Ciboulero, mais une Carvalho dans le rôle de l'amante célèbre…


Quelques extraits:

"Moi je m'appelle Ciboulette", par Régine Crespin

Ce qu'est Aubervilliers? "C'est pas Paris, c'est sa banlieue", par Susan Graham:

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